Un ton seul n’est qu’une couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie. (Henri Matisse)
Le fauvisme est avant tout une affaire de générations !
Le fauvisme est un mouvement artistique éphémère, que l’on situe généralement de 1904 à 1908. Mais l’évènement fondateur reste une exposition à Paris, en 1905, qui réunit un groupe d’artistes placés sous la direction d’Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck.
Les toiles choquantes couleurs tape-à-l’œil et la spontanéité crue a marqué les imaginaires, au point que la critique contemporaine parlait de « Cage aux fauves ».
On définit avant tout l’œuvre fauve par la couleur. La palette est vive et la facture rageuse. L’usage de la couleur est subjectif ; elle marque la joie.
Qu’est-ce que le fauvisme ?
L’expo choc : rupture avec l’impressionnisme
Le fauvisme ne peut se concevoir qu’en rupture avec les artistes impressionnistes, qui a déjà rejoint les programmes d’enseignement. À une époque où l’art moderne est en passe d’être accepté, et même consacré, l’expérience fauve est bien moins subversive qu’on ne pourrait le croire.
Dans les années 1870, le blocus contre toute expérience plasticienne anti-académique était total. Or, les fauves ouvrent la voie à une institutionnalisation des premières expériences abstraites.
L’esthétique fauve est bel et bien issue hors de l’impressionnisme. Le divorce ne pouvait pas être plus flagrant. Une région française en devient le symbole et la source d’inspiration de prédilection : la Provence méditerranéenne !
Le chromatisme du paysage illustre au mieux la rupture avec la tradition post-impressionniste, ses conventions d’analyse de la lumière et de l’atmosphère.
Le tableau manifeste
L’identité du sujet, l’épouse de Matisse, est connue du public ; ce qui souligne d’autant plus les distorsions avec le modèle.
Le Portrait de Mme Matisse au chapeau illustre l’application de la transposition chromatique fauve révolutionnaire à la physionomie humaine.
Ce tableau consacre Matisse, pionnier du mouvement, « roi des fauves », pour les contemporains, comme pour la postérité.
L’état d’esprit des années 1900 considère que la couleur et le graphisme se suffisent pour élaborer une nouvelle grammaire. Tous deux permettent d’accéder à une autre forme, plus personnelle et expressive. Le but est de susciter une excitation de l’œil, de contribuer à la connaissance du visible.
Comment reconnaître la peinture fauve ?
Caractéristiques thématiques
Thèmes classiques
On retrouve, dans la peinture fauve, des paysages, des portraits et des scènes avec figures, ainsi que des sujets classiques interprétés à neuf.
De manière paradoxale, les artistes s’adonnent toujours aux études partielles, généralement à l’aquarelle et à l’huile, comme leurs prédécesseurs, impressionnistes y compris.
Plus surprenant encore ; ces mêmes études partielles figurent des paysages d’Arcadie, peuplés de nymphes et de bergers, dans la plus pure tradition iconographique pastorale.
Les nus sont striés et tatoués de taches lumineuses. L’exaltation du corps féminin figure également parmi les sujets de choix.
Thèmes modernes
L’iconographie urbaine se trouve magnifiée ; y compris dans le cadre de la représentation de ponts métalliques, de cheminées, de fiacres et d’affiches.
On retrouve aussi de nombreux panoramas de port, et une représentation abondante de la vie nocturne, dans les théâtres comme dans les maisons closes. Les courtisanes et demie mondaines deviennent les héroïnes de la chronique des mœurs modernes.
Dans le même temps, l’autoportrait contribue à la mythologie naissante du peintre maudit et marginal.
Caractéristiques plastiques
Le chromatisme du fauvisme marque un vif plaisir de peindre, un intérêt passionnel pour la peinture en tant que technique. Petit à petit, la notion d’imitation est d’ailleurs abandonnée.
Les touches de peinture sont éparpillées, mais les surfaces restent homogènes. La couleur est non imitative ; les artistes fauves refusent la convention académique du ton local.
L’agressivité des contrastes et la crudité des tons contribuent aux déformations satiriques.
La juxtaposition de frottis colorés ne correspond pas à l’analyse impressionniste, puis pointilliste de la lumière. En effet, ces deux mouvements établissent un lien réaliste entre la couleur et le motif. Le graphisme était également garant de la compréhension et de la lisibilité du tableau.
Le fauvisme est la première avant-garde à mettre en péril l’idée même de représentation. Plus de dessin au contour visible et au découpage simplificateur.
La composition en ellipse est creusée, tandis que les plans de couleurs traités en aplat ; ce qui explique l’absorption des volumes et des modelés dans la surface colorée. Autrement dit, l’espace n’est pas profond, ni vraiment creusé par la perspective.
Bon à savoir : le bas de la composition est souvent de couleur vive, tandis que le fond est chamarré.
L’antécédent pionnier
Dans la digne lignée des toiles bretonnes et océaniennes de Gauguin, le respect traditionnel pour la ressemblance est balayé par les fauves. L’œuvre tardive de Gauguin présente déjà le tracé noir, sur fond de nuée écarlate, ainsi que le traitement de la couleur en frottis fluides, qui dessinent des courbes continues.
Peut-être pour la première fois en art, la transcription expressive prime sur la description littérale.
Contemporains et postérité
Réception immédiate
Dès ses débuts, le fauvisme est observé d’un œil perplexe, tant par le public que les critiques. En revanche, leur cote est immédiatement assurée auprès des marchands d’art et des collectionneurs d’art moderne. Les fauves passent alors pour l’avant-garde des peintres parisiens.
Fortune du fauvisme
Le mouvement est de courte durée ; bientôt, les chemins des artistes fauves se séparent. Beaucoup sont ainsi tentés par la toute nouvelle expérience cubiste.
Le fauvisme ne constitue pas vraiment un mouvement cohérent ; mais plutôt une phase d’émancipation jubilatoire, préliminaire à une mise au point d’une vision plus personnelle de l’art.
On parle d’ailleurs de frontalité et de couleur matissiennes.
Ce mouvement tient sa renommée de son principe fondamental : les lois du tableau ne sont pas les lois de la réalité extérieure, un constat qui ouvre la voie à l’abstraction. L’importance de ce mouvement explique la division en 1908 entre deux camps ; les matissistes (fauves) et les picassoïstes (cubistes).
La cote des artistes fauves
Sur le marché de l’art, les artistes les mieux cotés restent Matisse, André Derain, et Maurice de Vlaminck (dans la catégorie peintures et sculptures, on enregistre parfois des ventes records à plusieurs millions d’euros pour ces pièces de musée !).
À titre d’exemple, la moyenne des estimations d’un tableau d’André Derain se situe entre 350 et 8 600 000 euros.
Les artistes fauves plus accessibles sont Jean Puy, Auguste Chabaud, ou encore Louis Valtat : leurs œuvres restent en moyenne dans une fourchette qui se situe en deçà des centaines de milliers d’euros.
SYNTHÈSE
Avec le cubisme et plus généralement l’essor de l’abstraction, le fauvisme marque le début de l’âge des avant-gardes et des révolutions picturales, à une époque où l’impressionnisme est devenu le nouveau classicisme.
Les fauves promeuvent l’usage de la couleur brute pour transformer le visible. Il n’est plus question de livrer une version adéquate au visible, mais de lui donner une dimension plastique avant tout ; c’est-à-dire, une dimension proprement artistique.
La peinture n’est plus conçue comme un reportage sur le visible. Les artistes fauves s’intéressent en premier lieu à la forme d’animation des couleurs. Elles sont des moyens plastiques mis aux services de la connaissance ; autant d’acquis théoriques qui inspireront, par exemple, les expressionnistes allemands.
Parmi les hauts lieux d’expositions des œuvres fauves, on peut citer le Musée Marmottan-Monet, le Centre Pompidou, le musée de Montmartre, et le Grand Palais.
Si vous pensez détenir une œuvre fauve, n’hésitez pas à la faire expertiser par Barnie’s.