« La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. » (Filippo Tommaso Marinetti)
Le futurisme naît en 1909, sous la plume du poète italien Tommaso Marinetti. À l’origine, il s’agit d’un mouvement de réforme littéraire.
Jusqu’en 1930, date de la fin de ce courant artistique, les futuristes prônent le rejet de l’héritage traditionnel. Au centre du futurisme ; une passion commune pour la vitesse, la puissance, et le progrès technique.
Souvent, le désir de l’artiste futuriste de communiquer le « dynamisme » propre grandes villes industrielles se fait sentir dans son œuvre. Toute la nouveauté futurisme tient dans le mariage entre idéalisme et technologie.
Dans le Manifeste futuriste, une anecdote de Filippo Marinetti fait revivre le départ pour la ville (Milan), à l’aube, génère l’effervescence générale, alimentée par une course en voiture, puis un accident.
La confrontation avec le danger est considérée, par les futuristes, comme l’aboutissement de la logique de l’expérience. Ceci explique la célébration amour de vitesse et de danger, ainsi que l’instauration d’un nouveau culte beauté. L’automobile surpasse désormais en beauté la Victoire de Samothrace.
La tentative futuriste italienne d’infléchir le cours de l’art européen, de démanteler les institutions destinées à préserver et prolonger le passé (typiquement, les musées) ne correspond toutefois pas à une révolution politique.
Qu’est-ce que le futurisme ?
Un épicentre italien… mais une vocation internationale !
Parmi les artistes majeurs, tous sont italiens : Umberto Boccioni, Carlo Carra, Filippo Tommaso Marinetti, Luigi Rossolo, Gino Severini.
Bientôt, les manifestes se multiplient et gagnent, après la poésie, la peinture, la sculpture, la musique, l’architecture, l’aviation. La « Reconstruction futuriste de l’univers » s’immisce même dans la mode, le mobilier, la décoration intérieure ; en bref, dans le mode de vie.
Parmi les caractéristiques principales du futurisme, on peut citer l’usage de couleurs, formes, lignes, ou de la vitesse, pour exprimer excitation, produite par le mouvement de la vie urbaine moderne. L’ivresse de la technologie et de la vitesse doit gagner à son tour le spectateur : ce qui explique la représentation fréquente de la course.
Le futurisme est un art de la description sociale, qui propose une réinterprétation du cubisme à la française. Par exemple, on retrouve le même principe du fractionnement.
Genèse théorique
Dans le Manifeste des peintures futuristes (1910), le spectateur est traité en conscience capable d’embrasser d’un coup d’œil extérieur l’objet. Or, c’est bien l’œuvre qui garantit au spectateur l’accès au cœur de l’objet.
Par exemple, le simple contour d’une bouteille, dans une nature morte, correspond à l’idée schématique de la structure de bouteille (emblème intellectuel de son essence)
Ardengo Soffici loue Picasso pour sa capacité à tourner autour des objets mêmes de les montrer dans leur totalité et leur permanence émotionnelle.
En automne 1911, les futuristes Italiens se rendent en visite à Paris : à partir de ce moment, le choix iconographique de la nature morte s’expliquera par un respect croissant pour le cubisme.
En 1912-1913, les tentatives de Boccioni sont contemporaines des proposées expériences de Picasso pour libérer la nature morte des limites de la bidimensionnalité
Comment reconnaître la peinture futuriste ?
Caractéristiques thématiques
Les futuristes ont a cœur de représenter la modernité à travers la vitesse mécanique. Les motifs de la civilisation industrielle abondent. Ils appellent de leurs vœux une « poésie des métropoles », qui doit primer sur les conventions de la société et de l’art.
Tout est mis en place pour que le projet futuriste aboutisse à la destruction des institutions académiques. La témérité, l’énergie, et l’audace figurent parmi les qualités indispensables de l’artiste futuriste, en accord avec l’insolente noblesse de la vitesse mécanique.
Le mouvement se définit comme le manifeste d’une peinture du mouvement, déterminée par la révolution industrielle, et qui entre en concurrence avec la photographie. Par réaction et esprit de défi, l’artiste propose une analyse picturale de l’âme de l’homme, sa transposition psychologique, en plus de la description de ses actions.
L’influence de la photographie est visible à travers la superposition des images et contribue à tendre vers l’abstraction. Giacomo Balla emprunte au cubisme les formes géométriques, l’intersection plans ; autant de caractéristiques qui renvoient à la notion de mobilité.
Le temporel est devenu un mouvement mécanique ; l’objet en mouvement un véhicule du temps perçu, et le temps une dimension de l’espace.
Caractéristiques plastiques
La peinture futuriste est paradoxalement marquée par une absence totale de considération picturale. En effet, la touche divisée est un instrument d’analyse picturale, dans la droite lignée de la touche éclatée néo-impressionniste.
Mais la représentation successive d’instants d’un mouvement constitue l’innovation futuriste, par excellence. Le but est toujours de retranscrire la sensation de dynamisme, mais aussi la sensibilité humanise. L’introspection visée constitue une préfiguration de l’expressionnisme abstrait ; le chromatisme est d’ailleurs subjectif.
Le morcellement des figures est mis en place à travers des éclats géométriques. Toutefois, Le parti-pris cubique de la disparition de l’objet statique n’est pas respecté, emporté par l’accélération du mouvement.
Le dessin est vecteur du projet artistique, tandis que la couleur connote l’échauffement et l’explosion.
Les formes géométriques s’associent aux alternances régulières de tons. Le futuriste porte une attention particulière à la décomposition de la lumière naturelle ou électrique. Il s’astreint à l’objectivité, ce qui le pousse à refuser la représentation d’un symbole d’une idée.
Le pilote automobile, dans sa voiture de course, est érigé au rang de héros, comme un parangon moderne du patriotisme et des vertus guerrières. Le futurisme constitue avant tout un manifeste politique et national.
Au tout début du mouvement, la préférence va aux matériaux antitraditionnels, comme le verre, les feuilles de métal, le fil ou encore la lumière électrique.
Dans le Manifeste technique, Boccioni déclare même vouloir en finir avec la noblesse du bronze ou du marbre et encourage ses contemporains à utiliser plus d’un matériau
Perception & mouvement
La nature statique de l’objet sculptural semble en faire le dernier des médiums pour représenter déploiement du temps dans mouvement. Pourtant, Umberto Boccioni énonce deux manières d’être de la sculpture. Elle est ainsi régie par le « mouvement absolu » (ses caractéristiques propres), et le « mouvement relatif » (son existence contingente selon la position du spectateur).
La synthèse de ces deux manières d’être se résume au concept nouveau de continuité, qui vient remplacer celui de division.
Le Développement d’une bouteille dans l’espace (1912) est une nature morte sur table, avec bouteille, plat et verre. Cette œuvre se structure comme un relief en fonction d’une vue frontale. Elle a été conçue comme composée d’une série de coques en forme de bouteille.
Toute la contrainte pour le spectateur est d’adopter un point de vue fixe et unique, pour percevoir relations entre les formes, qui sont légèrement décalées, pour donner illusion de mouvement continuel.
Un tel procédé pose la question de savoir comment on prend connaissance des choses ; il force à dépasser le caractère partiel des informations, dispensées par toute vue singulière sur un objet, par un spectateur. La perception est conçue par les futuristes comme pauvre, puisqu’elle ne correspond pas à une saisie globale et conceptuelle.
Leur approche idéaliste consiste à proposer une vision synthétique de l’objet.
L’influence du primitivisme
Les futuristes s’attachent à recréer un monde d’inspiration primitive, en s’inspirant des collections égyptiennes, assyriennes, polynésiennes et africaines. Les reliquaires fang figurent parmi les motifs primitifs d’inspiration les plus appréciées.
En sculpture, la taille est directe, mais plus généralement les artistes visent la simplification des formes. C’est bien l’idéal de la pureté expressive qui les attire, dans les œuvres primitives.
Dans l’œuvre futuriste, la monumentalité est associée à la simplification des formes, et parfois, à leur déformation. L’image du totem aux facettes planes et découpées en triangles est ainsi réinterprétée.
Le futurisme procède à une fusion entre le mécanique et le primitif : la géométrie doit toujours être expressive.
Fortune & postérité
Le futurisme italien et le cubisme français jouissent, dans les années 1910, d’une réception simultanée. Leur influence conjointe se fait alors sentir sur la scène européenne ; à tel point que Malévitch usera du terme « cubo-futurisme » (qui permet de désigner une des branches russes du futurisme).
Le cas du rayonnisme
Ce courant se fixe comme objectif de faire converger les avancées occidentales en abstraction, et l’art folklorique russe ; à tel point que les rayonnistes, pour désigner leur démarche, évoquent une fusion « entre cubisme, futurisme et orphisme ».
De manière plus générale, c’est la ferveur du futurisme pour les machines et le mouvement mécanisé que les avant-gardes postérieures retiendront.
La cote des artistes futuristes
Sur le marché de l’art, les artistes les mieux cotés restent Umberto Boccioni, Giacomo Balla et Natalia Gontcharova (dans la catégorie peintures et sculptures, on enregistre parfois des ventes records à plus d’un million d’euros pour ces pièces de musée !).
À titre d’exemple, la moyenne des estimations d’un tableau de Natalia Gontcharova se situe entre 200 et 6 000 000 euros.
Les artistes futuristes plus accessibles sont Joseph Stella, Gerardo Dottori, ou encore Mario Sironi : leurs œuvres restent en moyenne dans une fourchette qui se situe bien en deçà des centaines de milliers d’euros.
SYNTHÈSE
Avec le cubisme et le purisme, le futurisme constitue un des principaux chainons de l’art abstrait. Ce mouvement marque le début de l’âge des avant-gardes et des révolutions picturales, à une époque où l’impressionnisme est devenu le nouveau classicisme.
La peinture n’est plus conçue comme un reportage sur le visible. Les artistes futuristes s’intéressent en premier lieu à la mécanisation et à la vitesse.
Parmi les hauts lieux d’expositions des œuvres futuristes, on peut citer avant tout le Musée du Novecento (Milan), mais aussi le Centre Pompidou (Paris), et l’étonnante maison-atelier Casa Balla (Rome).
Si vous pensez détenir une œuvre futuriste, n’hésitez pas à la faire expertiser par Barnie’s.